Récemment, j'ai sursauté en lisant dans un bulletin d'information ce que cela signifiait pour chacun·e d'entre nous de respecter les limites planétaires. Avant d'entrer dans les détails, je dois faire une mise au point :
Depuis son lancement en 2009, le concept de limites planétaires s'est largement répandu. Il donne des indications assez fiables sur les pressions que notre planète peut supporter afin qu'il y ait suffisamment de ressources disponibles pour notre vie à long terme. Elle permet également d'estimer le nombre d'émissions nocives qui seront encore admissibles à l'avenir.
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Le concept repose sur neuf paramètres critiques différents, dont l'utilisation des sols, l'appauvrissement de la couche d'ozone ou l'intégrité de la biosphère (voir ici). La recherche a réussi à quantifier plus ou moins précisément la plupart de ces paramètres. En ce qui concerne le climat, par exemple, nous savons depuis longtemps quelle quantité de CO2 nous pouvons encore émettre en tant qu'humanité.
Le concept est également convaincant dans sa représentation graphique : une image circulaire de la Terre symbolise les limites, le dépassement des limites est représenté par des secteurs circulaires rouges qui dépassent de la Terre. Nous utilisons ce concept depuis plusieurs années au WWF Suisse et nous nous efforçons de faire évoluer l'économie et la société dans une direction qui respecte les limites à long terme.
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Mais passons maintenant à ce que j'ai lu dans la lettre d'information "Planet Plüss" du journaliste Matthias Plüss (lien vers la lettre d'information, accessible uniquement aux abonnés de Tamedia). Se basant sur une étude publiée par l'Empa et sur d'autres sources de données, il a dressé la liste des réductions de consommation nécessaires pour vivre dans les limites de la planète. On y lit notamment
"Vêtements et chaussures : pour bien vivre, deux kilos et demi de nouveaux vêtements et une paire de nouvelles chaussures par an suffisent. En Suisse, nous en sommes actuellement à environ 15 kilos de vêtements et six paires de chaussures. Il faudrait donc réduire d'un facteur six.
Eau : 21 mètres cubes par personne et par an suffiraient pour vivre correctement. Nous en consommons presque trois fois plus, soit 60 mètres cubes. Et il ne s'agit là que de la consommation directe - sans compter la quantité d'eau encore bien plus importante consommée par notre mode de vie dans d'autres pays.
Surface habitable : nous devrions nous contenter d'un tiers. Actuellement, nous disposons d'un peu plus de 46 mètres carrés par personne, alors qu'il faudrait 15 mètres carrés, ce qui semble peu, mais il faut savoir que notre surface habitable a considérablement augmenté. En 1980, elle n'était que de 34 mètres carrés par personne. A Tokyo, les gens se contentent même de 20 mètres carrés. Et là aussi, on vit bien".
Il existe d'autres chiffres concernant l'alimentation, la consommation d'énergie ou la mobilité. Si nous réduisions notre consommation d'un facteur 1,5 à 6, selon le domaine, il nous resterait encore une "bonne vie", dont les effets négatifs sur les écosystèmes seraient à peu près divisés par deux. Avec d'autres mesures drastiques, dont certaines, concernant la consommation d'énergie, les émissions de gaz à effet de serre et les rejets d'azote, les limites planétaires pourraient être respectées.
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Comme je l'ai dit au début, j'ai eu peur en lisant ces chiffres. D'un point de vue scientifique, il n'y a pas grand-chose à leur reprocher, c'est la dure réalité. De même, je ne doute pas des objectifs que les limites planétaires impliquent.
Ma réflexion est différente : je considère que ces chiffres ne sont pas communicables sous cette forme, qu'ils ne sont pas "socialement acceptables". Quiconque s'aventure dans le débat public en dehors de la bulle environnementale avec de tels chiffres et réclame une action appropriée ne doit pas s'étonner de s'attirer les foudres des gens et d'être taxé d'extrémisme.
Il ne s'agit pas de moins dix pour cent ou de moins un tiers, mais de réduire à un tiers ou même de réduire à dix pour cent. Bien sûr, chacun·e d'entre nous peut se contenter de deux kilos et demi de nouveaux vêtements au lieu de quinze kilos, ou d'une seule paire de chaussures par an au lieu de six. La difficulté réside dans la surface habitable : comment atteindre notre objectif alors que tout est déjà construit ? Démolir nos maisons ? Ou faut-il tout à coup que trois fois plus de personnes vivent dans nos maisons et donc en Suisse ?
Ces chiffres et les conséquences nécessaires sont bien au-delà de notre expérience et de notre imagination. Des remarques telles que "les gens du Sud s'en sortent aussi" ou "il y a cent ans, nous n'avions pas plus et pourtant nous vivions bien" ne servent pas à grand-chose. Rares sont les personnes qui s'engagent volontairement et avec plaisir dans une voie qui réduit leur niveau de vie matériel d'un tiers, voire moins. En effet, il leur manque aussi l'imagination et surtout l'expérience concrète de ce qui se passerait si la Terre se réchauffait de trois degrés ou plus et devenait ainsi partiellement inhabitable.
Le grand défi est donc le suivant : Comment pouvons-nous discuter publiquement des limites planétaires et de leur impact sur notre vie quotidienne sans heurter les gens ? Tant que nous parlons des limites planétaires comme d'un concept théorique général, cela peut être possible. La question de savoir comment parler des conséquences dans la vie de tous les jours est autrement plus difficile. Je n'ai pas de réponse satisfaisante pour le moment.
Pour une fois, je ne conclurai donc pas mon blog par une conclusion, mais par une question à vous, chères lectrices et chers lecteurs : Comment pouvons-nous communiquer sur ces valeurs cibles sans nous mettre les gens à dos ?
L'équipe de One Planet Lab est heureuse de recevoir vos commentaires et vos idées.
Le prochain article de blog sera publié en mars 2025.
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